Les citations qui nourrissent cette petite synthèse découlent d'un message posté en mars 2003 sur les forums de portails et de guildes qui gravitent autour des jeux en ligne coopératifs : jeux de rôle multijoueurs (MMORPG) et FPS (Jeux de combats).
Du côté des MMORPG
La plupart des joueurs ayant déjà une expérience de la vie active estiment que les guildes ne font rien moins que de singer les modèles organisationnels en vigueur dans les entreprises. Selon Blackmoon de la guilde du Cercle Dagda, « il y a autant de modèle de gestion de guilde, de recrutement des joueurs, de rapport entre les joueurs qu'il existe de guilde... C'est également le cas dans le monde du travail, les entreprises même concurrentes sur le même secteur de marché ayant les même facteurs clés de succès ne se ressemblent pas dans leur modèle de gestion. Je suis certain qu'il existe des méthodes de management, de recrutement, de hiérarchisation ou encore des comportements similaires à une entreprise. Je reste persuadé que ces modèles sont applicables à une guilde pour maintenir un certain ordre, une efficacité, régler des problèmes ». Certains joueurs vont encore plus loin dans l’analogie. « Finalement dans les jeux virtuels comme dans le réel pour gérer une communauté ou un groupe, il faut avant tout quelques personnes très motivées, tenaces et avec des nerfs solides pour arriver à un résultat et pour entraîner les autres à suivre et à donner le meilleur d'eux-mêmes. Et forcément nous retrouvons en jeux et IRL, des types de comportements identiques. Parfois l'analogie saute tellement aux yeux que je me demande pourquoi il faut revivre dans ses loisirs les même engrenages ou problèmes que nous croisons au travail. Heureusement le but étant essentiellement de s'amuser... on finit par y arriver toujours », raconte ainsi Lunaa. Pour Arkhee, l’expérience de l’animation d’une guilde peut « apporter un regard neuf sur les méthodes et les outils professionnels ». A partir de là, certains joueurs perçoivent un intérêt à une démarche qui consisterait à mettre des salariés en situation de management au travers d’un jeu de rôle. Elixiad Memoria y voit l’occasion de « faire apparaître les tempéraments des participants ». La plupart des joueurs estiment en effet que les comportements en jeu ou sur les sites de « back game » laissent transpirer des attitudes dans la vie réelle.
Reste que ces analogies sont justement relativisées par certains qui estiment que le caractère ludique du jeu brouille les cartes. « Il est souvent nécessaire de trouver des compromis entre l'organisation optimale du groupe et une organisation vue à la baisse du fait de perte de motivations dues à un environnement exigeant en terme de directives et de méthodes. Dans une organisation basée sur le plaisir, cette flexibilité est possible. Ce n’est pas le cas de l’entreprise dont le modèle est basé sur l’obéissance et la contrainte », raconte Itikar, l’un des animateurs d’Arcadia, un projet communautaire visant la création d’un univers à partir du jeu Neverwinter Nights. En clair, si le but d’une guilde n’est pas de créer une organisation optimale, « il est bien d'attirer a sa cause un maximum de personne pour vivre en communauté et réaliser des objectifs inatteignables à une personne seule », note Blinnith sur le forum du Cercle des Elus de DAoC. Sur ce même forum, Zawel concède tout de même « qu’une guilde bien organisée procure une certaine fierté et donc un plaisir à jouer ».
Il apparaît en outre clairement que de nombreux joueurs perçoivent avant tout l’entreprise comme un univers dépassionné fait de contraintes dictées par les procédures où ne brille par le partage et l’échange. Autant d’éléments contextuels incompatibles avec la transposition d’un MMORPG dans l’univers professionnel. Sans compter que certains jugent que le fait de mettre des managers en situation au travers d’un jeu de rôle en réseau n’est pas pertinent dans la mesure ou la conséquence des actes n’est que virtuelle.
Du coté des FPS
En attendant, c’est dans un cadre officieux, que des salariés de SSII jouent à des jeux de combats à partir de leur poste de travail en profitant d’un accès haut débit de qualité. « Avec 5 collègues, nous avons commencé par jouer à Counter Strike entre midi et 2 heures et le soir de 18h à 20h. Nous ne sommes manifestement pas les seuls. Il est marrant de voir qu'arriver vers 14h quasiment tout le monde se déconnectent en même temps pour aller travailler », témoigne ainsi Thaolith, sur le forum du site portail dédié à Counter Strike. Et de préciser, « le fait de jouer en entreprise a renforcé les liens des participants mais cela a aussi contribué a creuser un petit fossé avec ceux ne partageant pas notre passion. Pendant les pauses en effet, les sujets de discussions tournent quasiment toujours autour du jeu. Ce qu'il faut voir aussi c'est qu'un incident en jeu peut avoir des conséquence au travail comme par exemple quand nous nous sommes aperçus qu'un collègue trichait. Cela a jeté un froid. Ce collègue s’est retrouvé exclu du jeu. Depuis, il a démissionné ».